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Ana Rousse


    « Marguerite Rousse, jeune femme très peu raisonnable et grande voyageuse avait passé ces dernières années dans un hôtel à Marienbad où elle se soignait d’un souvenir amoureux, abandonné à Hiroshima. Remise de ces troubles, elle se retrouva par des circonstances obscures dans une province à l’est de la Tchécoslovaquie. Elle y rencontra un certain Franzek K. avec lequel elle eut une courte idylle mais celui-ci, trop occupé par l’un de ces procès ne songea guère à l’épouser. Au cours de l’année 1883, elle rentra dans sa région française d’origine, maladivement déçue des hommes, pour accoucher d’une petite Ana dans le domaine familial des Rousse, qui s’étend à la lisière des communes d’Arthez et d’Orthez. On cacha au monde la petite bâtarde dont l’ oeil gauche, très noir aurait justifié tous les bavardages. Elle grandit sans manquer de rien mais relativement navrée dans les jupes mélancoliques de sa mère phtisique. Lorque celle-ci mourut, Ana, demeura seule entre les mains dévouées de leurs domestiques, Eula et Gustave Snopes, mais progressivement, son caractère se mit à changer, et sa discrète gaité se mua en un mysthicisme grave et sourd. Elle ne mangeait plus que du sorbet au marron de Nardone. Elle passait de très longues journées enfermée dans les carnets du sous-sol à lire, ou bien, la tête penchée, elle contemplait les vaches renversées des ciels de Chagall et les oranges carnassiers de Bacon. Ainsi, toute à sa vie intérieure, elle ne pouvait qu’ignorer les manigances de Gustave et de la sotte Eula, qui derrière des faces de protestants fades mais respectables, pratiquaient le culte de l’oeil béarnais magique. Un soir, ils plongèrent Ana endormie dans les eaux païennes du Gave selon un rituel béarnais ancestral et l’emmurèrent au fond d’un puits froid. Les Snopes devinrent seuls maîtres du domaine. Le 8 mai 2002, un article curieux parut dans les échos Aorthéziens, mais passa relativement inaperçu, à cause semble-t-il de la préséance d’élections politiciennes à caractère national. Le-dit article relatait ceci. La veille, à minuit, le puits du 37 rue St Pierre avait explosé de l’intérieur, éjectant une multitude d’yeux humains, certains bleus, d’autres noirs, jusque dans les jardinets alentours. Mais nulle trace humaine n’aurait été découverte. Depuis, quelques images et livres illustrés portant la marque de la pauvre folle apparaissent de temps à autre, comme des regards jetés hors d’un trou sombre. Mais, selon toute vraisemblance il s’agit fort raisonnablement d’une usurpation d’identité. »

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